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Tribulations d'un chon

L'expérience guinéenne

L'hôtel Nimba

Quand un étranger est de passage à N’Zerekore, il loge nécessairement à l’hôtel Nimba, vestige de l’époque prospère de l’exploitation minière dans la région.

L’hôtel Nimba se situe tout au bout d’une rue goudronnée, surnommée officieusement le Beverly Hills de N’zerekore car bordée de grandes villas appartenant à des Libanais, des Chinois ou des ONG. De nuit, l’effet est grandiose. Quand on s’élance dans l’avenue sombre, on voit au loin les deux boules du porche d’entrée de l’hôtel scintiller et vaciller au gré des caprices du groupe électrogène, comme le phare de la civilisation éclairant les ténèbres du péril fécal. Il faut alors s’annoncer aux gardiens somnolant sur des chaises en plastique à l’entrée.  Généralement, en tant que Blanc, cette étape ne pose pas trop de problème.

L’architecture est assez plaisante : il s’agit de petites chambres carrées alignées les unes à la suite des autres, et reliées par une longue allée dallée, bordée de plantes vertes venant probablement de chez Jeannot, et, comble du luxe, de cendriers. Les chambres sont simples et fonctionnelles, bien qu’un peu défraîchies, ce qui donne à l’hôtel une allure de Campanile de seconde zone qui aurait besoin d’un coup de peinture et de nouveaux ballons d’eau chaude. Jusqu’en 2014, des hordes de miniers brésiliens y étaient logés sur le long terme, et l’on voit au-dessus des WC, encore aujourd’hui, un avertissement en portugais priant les hôtes de ne jeter ni leur chemise, ni leur bouteille d’eau, ni leurs capotes dans la lunette des toilettes.

L’hôtel Nimba recèle de nombreux trésors cachés : des douches chaudes, une petite piscine verdâtre et son bar attenant, et une discothèque surdimensionnée invariablement vide ou fermée lorsque je m’y rends. Et quand un étranger est de passage à N’Zerekore et que cet étranger est un Français de Conakry, c’est tout bénèf pour moi car, sous prétexte de lui rendre visite, je peux alors me prélasser dans la piscine avec une canette de Guiluxe dans chaque main, en écoutant en boucle la chanson sur ébola écrite par l’aide-cuisinier de l’hôtel –un libérien au nom improbable de Derik Dollar, tout en rêvassant à la perspective de me laver les cheveux sous des déluges d’eau bien tiède. Des guirlandes lumineuses décorent le bar de la piscine, et parfois un Indien ou deux, travaillant pour Orange, sautent lourdement dans l’eau en éclaboussent les alentours, manquant de faire court-circuiter les enceintes. Et je peux alors profiter tranquillement de cette ambiance hype pendant que les Conakry-ka s’épouvantent de l’effroyable provincialité de N’Zerekore.

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