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Tribulations d'un chon

L'expérience guinéenne

The coq situation

The coq situation

Mon travail consiste, entre autres, à aller me balader dans les villages de Guinée Forestière à dos de moto et à poser des questions à ceux qui ont des étangs d’élevage de tilapias, à ceux qui font faire ces étangs, et à ceux qui aimeraient bien avoir leur part du gâteau mais ne savent pas comment faire pour le couper.

Le premier village visité fut Gouh, à environ 40km de piste et beaucoup, beaucoup de nids de poule de N’Zérékoré. A ceux qui douteraient de mes compétences de motocycliste, ils ont bien raison. J’étais transbahutée à l’arrière de la Yamaha AG du technicien que j’accompagnais. Très bonne moto tout terrain selon « Moto Magazine », mais seulement 1 étoile sur 5 pour une utilisation « Duo ». Je visualise maintenant assez bien ce que peut représenter 1 étoile sur 5. Bref, nous arrivâmes à Gouh et, instantanément, tous les enfants du village s’agglutinèrent pour observer la toubabou. Depuis mon arrivée en Guinée, je crois que je commence à comprendre ce que ressent Elena dans les rues de Marseille, c’est-à-dire la frustration de ne pouvoir se promener incognito tranquillou, ce que j’avais pourtant réussi à faire les trente premières années de ma vie.

Visiblement très motivé pour tout faire afin que l’ONG s’intéresse à son cas (il était peut-être simplement sympathique, mais je préfère me méfier), le président du groupe des pisciculteurs de Gouh fait montre d’un accueil plus que chaleureux, voire disproportionné, à mon égard. Je laisse pour l’instant de côté les détails de la cérémonie du vin de palme, qui méritent un post à eux seuls. Après avoir porté mes bottes pendant 20km, il me présente à sa femme enceinte jusqu’au cou et déclare solennellement que si l’enfant à naître est une fille, elle s’appellera Anne, et que si c’est un garçon, j’aurai à choisir le prénom. Puis il me demande de m’asseoir et revient les bras chargés d’un énorme ( !) régime de bananes plantains, et je me dis « chouette », car j’aime bien les bananes, puis son fils (ou cousin, ou frère, qu’en sais-je) amène un coq qu’il tient par les pattes. Un coq. Vivant. « C’est pour toi ! ». Mon dieu, décidément, ce voyage teste vraiment mes limites morales. Que diable vais-je bien pouvoir faire d’un coq vivant…le laisser gambader dans la cour, je suppose. Ce coq représente probablement une coquette somme pour eux, et moi j’envisage quoi ? de le laisser gambader jusqu’à ce que mort naturelle s’en suive. Evidemment, ce ne fut pas aussi simple que cela.

Le coq sera attaché par les pattes au rétroviseur de la moto et se tapera les 40 bornes la tête en bas. A notre arrivée, je sens que mon plan d’arche de Noé va rapidement tomber à l’eau quand mes deux colocs et le gardien s’extasient devant le bon dîner qui se balance au rétroviseur. Halte là ! Pas touche ! Ce coq est le mien et restera vivant ! J’ai beau déployer des trésors de rhétorique toubabienne pour essayer de convaincre mes colocs qu’un animal n’est pas uniquement une source de protéines et que décapiter un coq serait une insulte diplomatique à l’égard de la France, je sens que la situation m’échappe. Vite, il faut mettre le coq à l’abri. Je demande au gardien de relâcher le coq dans la rue quand nous serons au bureau et, malgré ses acquiescements, il me faut bien 10mn pour comprendre qu’évidemment il va garder le coq pour lui et pour nourrir ses n enfants. Soit. Cette version me convient. Ma conscience écartelée entre le bonheur animal et la compassion à l’égard d’un peuple sous-nutri trouve finalement son compte dans la solution lâche consistant à laisser le coq se faire égorger loin de ma vue.

Le coq est à gauche, assorti aux couleurs de la moto

Le coq est à gauche, assorti aux couleurs de la moto

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